« L’AUTRE RIVE »
« En tant que carte du Tarot, le « bateleur » nous présente le monde comme un jeu parallèle à la réalité.Les éléments essentiels de la vie sont à notre disposition … à nous d’entrer dans l’arène et d’en user.
Jouer s’il se peut avec le sens du paradoxe, les choses sont et ne sont pas ; sur ce fait, il n’est pas demandé de choisir mais d’accorder.
Rien n’est expliqué, tout est expressif.
Ce regard-là peut être celui du peintre pour que la peinture soit le miroir des apparences.
Ne pas savoir ce que les parties visibles nous cachent doit être considéré comme une liberté fondamentale ainsi qu’un terrain d’envol pour le rêve.
C’est par ses multiples apparences que le monde tient la conscience en éveil et permet d’accepter ce qui ne s’explique pas.
Avec l’image nouvelle vient l’éveil dans une autre contrée avec le besoin, l’envie d’être et de méditer sous son ciel.
S’enivrer de cet étrange parfum… toute la vie est là aussi.
Comme l’eau suit les ravines et les pentes, les sensations suivent les images.
Ne plus avoir que des contacts sensuels avec notre alentour nous ouvre un monde d’une autre identité.
Libérée de l’utile et du profitable, chaque chose porte son histoire dite « imaginaire ».
La beauté n’est plus définie et limitée par des arguments tirés de l’arsenal des idées en vogue. On peut alors croire librement qu’un objet a le caractère qu’il nous inspire et cet objet, à vrai dire, a réellement ce caractère puisque l’ayant lui-même suggéré, il est authentiquement défini tel qu’il se présente par l’un de ses multiples côtés.
Les figures emblématiques des sociétés défuntes ont le mystère de l’éloquence sans parole.
Devant le chatoiement des couleurs et des formes qui mutuellement se valorisent, une émotion inconnue nous emporte dans la limpidité d’une joie adolescente.
Nous sommes pareils aux musiciens que les notes font jouir.
Le spectacle s’ouvre sur la richesse infinie d’un monde où les apparences ne sonnent plus comme de fausses notes.
A l’écran de notre conscience tout est normalement vrai ou faux autant que vrai et faux.
L’autre rive apparait au moment où par son bon angle et le plus clair mouvement de chaque chose et de chacun, ce nouveau monde est au mieux défini.
Les possibilités de la nature sont plus vastes que celles de notre imagination.
On s’interroge : pourquoi le monde tel que le filtre de nos sens nous le montre, est-il ainsi ?
Claude VERLINDE